ALLOCUTION A L’OCCASION DE L’OUVERTURE DE L’ATELIER DE SENSIBILISATION DES ORGANISATIONS DE DEFENSE DES DROITS DE L’HOMME POUR L’INCLUSION DE LA SPECIFICITE HANDICAP DANS LEURS INTERVENTIONS
Organisé par le Réseau des Associations des Personnes Handicapées du Burundi (RAPH B)
Hotel Safari Gate
Bujumbura, 20 Novembre2014
La Commission Nationale Indépendante des Droits de l’Homme (CNIDH) voudrait adresser ses salutations chaleureuses à tous les participants à cet atelier sur la sensibilisation des organisations de défense des Droits de l’Homme pour l’inclusion de la spécificité « handicap » dans leurs interventions. La CNIDH est particulièrement heureuse de se retrouver avec le Réseau des Associations des Personnes Handicapées du Burundi ainsi qu’avec tous les autres partenaires qui portent en eux-mêmes la préoccupation de donner consistance à la dignité de toute personne humaine, en particulier les personnes vivant avec un handicap.
Vous le savez, la conscience du respect, de la protection et de la promotion des Droits de l’Homme constitue une longue, une patiente et une laborieuse conquête de l’humanité. Cette conscience a pris des siècles pour s’affirmer avec netteté. Et ici au Burundi, nous sommes entrain de faire des avancées que nous voulons soutenues et déterminées. Cela va nous demander un engagement conséquent. En effet, le travail de promotion et de protection des Droits de l’Homme n’est ni facile, ni simple. Il exige beaucoup d’engagement, beaucoup de courage et une volonté déterminée. Ce travail qui demande beaucoup de cœur exige de plus en plus une bonne technicité. Mais nous devons le faire. Nous devons pouvoir répondre à toutes ces aspirations à la dignité, au respect, à la justice, à l’équité, à la sécurité et au développement intégral. Ce défi suppose que se développe un beau réseau de veilleurs et de guetteurs qui se mettent en synergie pour le bien de la nation, en protégeant surtout les maillons les plus vulnérables de la société. Commele proverbe le dit si bien : « seul on va plus vite, mais ensemble, on va plus loin ». Et le peuple burundais veut aller loin aujourd’hui.
Notre souhait est de voir cet atelier parler non seulement à la tête avec la connaissance et une maîtrise progressive des instruments internationaux, régionaux et nationaux de protection des personnes handicapées, mais aussi parler au cœur qui est le siège des convictions et de l’inspiration de l’action de solidarité humaine. Ici, il s’agit de comprendre que l’appel lancé n’est pas synonyme de complaisance dans la compassion, la charité et l’assistanat. Il s’agit d’opérer une révolution dans notre pays afin que les personnes handicapées deviennent des sujets de droits, des sujets actifs dans la construction de l’histoire de leur pays. Les personnes handicapées doivent pouvoir jouir de tous les droits humains au même titre que tous leurs frères et toutes leurs sœurs.
La CNIDH est heureuse que le Burundi ait ratifié la Convention Relative aux Droits des Personnes Handicapées (30 mars 2007) ainsi que son protocole facultatif (26 mars 2014). Mais, nous le savons, la ratification est une chose, la mise en œuvre des instruments ratifiés en est une autre. Par rapport aux personnes handicapées, le défi aujourd’hui est de développer leur accès concret aux différents droits qui font la constellation des Droits de l’Homme. A titre purement indicatif, nous pourrions nous demander comment les handicapés sont pris en compte dans la gestion de la législation électorale et du processus électoral afin qu’ils aient une représentation qui puisse permettre de porter à l’agenda national leurs préoccupations. Nous pourrions nous interroger sur leur accès à l’information par la mise en œuvre des langages adaptés du côté des médias et des autres communications. Nous pourrions revoir les dispositions du secteur de l’enseignement pour voir les facilités qui sont créées pour permettre aux fils et aux filles handicapés de notre peuple d’avoir une scolarisation adéquate. Le secteur du bâtiment et de la construction des édifices devrait désormais prendre des dispositions pour permettre un accès facile pour les personnes handicapées. Pour les malades mentaux, nous pourrions réfléchir à une mise sur pied de mécanismes légaux et non-légaux pouvant assurer leur protection.
Dans la logique du « Do No Harm », les projets à l’endroit des handicapés devraient s’assurer de la qualité de tous les contours afin de prévoir une protection maximale des cadres de vie des personnes handicapées. A titre d’exemple, regrouper des handicapés dans un village où ils n’ont pas des moyens de se défendre contre les cambrioleurs et les malfaiteurs est contre-productif. Il y a nécessité de bien étudier les projets qui concernent les handicapés afin de vérifier les effets sur eux et leur environnement à moyen et à long terme.
Une société saine est celle qui sait assurer une protection particulière à ses membres les plus vulnérables. Il est donc nécessaire que nous puissions développer au Burundi une culture très respectueuse des personnes handicapées, une culture qui soit très attentive à leurs besoins et les met au centre de leur propre développement. Faisons en sorte que les handicapés soient respectés dans les bus et les autres moyens de transport. Faisons tout ce qui est possible pour qu’ils soient respectés dans les services publics et privés. Les personnes handicapées mises dans des conditions adéquates peuvent avoir des performances impressionnantes. Comme président de la CNIDH, j’étais très heureux en 2012 d’avoir comme collègue un président de la Commission Nationale des Droits de l’Homme du Kenya qui était aveugle et qui était aussi un grand professeur d’université. Nous connaissons de très grands et très bons musiciens. Nous connaissons d’autres handicapés qui ont réalisé de grandes performances au niveau mondial.
Allons donc de l’avant. Travaillons tous ensemble afin que les handicapés occupent pleinement leur espace dans ce pays. Notre souhait est de voir cet atelier contribuer véritablement à notre changement intérieur pour développer une action efficace propre à l’amélioration des conditions de développement des personnes handicapées. Nous souhaitons voir se renforcer dans notre pays un dynamisme renouvelé dans l’approche de la situation des personnes handicapées.
Nous vous souhaitons un travail convivial et fructueux aboutissant à des propositions concrètes et réalistes qui puissent aider le pays et ses décideurs à faire des pas en avant sur la question qui nous occupe aujourd’hui.
C’est sur ces vœux d’un travail fécond et convivial que je termine mon allocution au nom de la CNIDH.
Je vous remercie.
Publiée le 08/11/2019 à 11h11min Partager