Présentation du Président de la CNIDH à la 58ème Session de la Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, Banjul, 12 avril 2016
Excellence Madame la Présidente de la Commission,
Excellences Mesdames et Messieurs, les Membres de la Commission,
Distingués délégués,
Excellences, Mesdames et Messieurs,
C’est pour nous un honneur et un plaisir de nous exprimer devant la Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples sur la situation des droits de l’homme au Burundi.
Cette présentation est faite au moment où la Commission Nationale Indépendante des Droits de l’Homme du Burundi (CNIDH) vient de présenter publiquement son rapport annuel de 2015. Le rapport récapitule les activités réalisées par notre Commission durant l’année 2015, et fait le point de la situation des droits de l’homme ayant prévalu dans le pays durant cette année. Des informations détaillées sur ce que nous présentons aujourd’hui se trouvent dans ledit rapport qui a déjà été partagé avec cette Commission.
Par ailleurs, certaines données, analyses, conclusions et recommandations contenues dans ce rapport ont été partagées avec les membres de la communauté internationale et le public en général lors de la séance de dialogue interactif sur le Burundi qui a eu lieu en date du 22 mars 2016 dans le cadre de la 31ème Session du Conseil des Droits de l’Homme des Nations Unies, qui s’est tenue à Genève du 29 février au 24 mars 2016.
Excellence Madame la Présidente de la Commission,
Excellences, Mesdames et Messieurs,
La CNIDH reconnait l’importance du travail de la Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples dans la protection et la promotion des droits de l’homme en Afrique, et nous nous réjouissons de l’opportunité qui nous est offerte pour nous adresser à cette Commission.La CNIDH salue les efforts de la Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples en vue de contribuer à faire avancer la situation des droits de l’homme dans la bonne direction en République du Burundi. Elle a en particulier accueilli avec appréciation l’envoi d’une mission d’établissement des faits au Burundi, du 7 au 13 décembre 2015, dont le rapport servira sans doute à appuyer les efforts en cours pour une solution durable à cette situation.
En tant que membre de l’Union Africaine, et Etat partie à la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, dont le monitoring est confié à cette honorable Commission, le Burundi doit respecter ses obligations sous ladite Charte. Mais le Burundi doit également être soutenu par les pays frères, cette Commission et la communauté internationale en vue de faire progresser la situation des droits de l’homme. Dans cet esprit, il s’avère important de continuer à soutenir les efforts de paix et de réconciliation en cours, et d’appuyer les institutions du pays, dont la Commission Nationale Indépendante des Droits de l’Homme (CNIDH), qui joue un rôle primordial dans le pilotage des initiatives de promotion et de protection des droits de l’homme au niveau national. Les organisations de la société civile et les médias doivent également être soutenus.
Des analyses objectives, et des recommandations pratiques et constructives de cette honorable Commission envers les organes de prise de décision de l’Union Africaine et d’autres parties prenantes contribueront sans doute à l’identification et la mise en œuvre de solutions appropriées.
Excellence Madame la Présidente de la Commission,
Excellences, Mesdames et Messieurs,
La situation des droits de l’homme au Burundi demeure largement tributaire du contexte politique et sécuritaire. En effet, la plupart des violations observées, surtout les atteintes au droit à la vie et à l’intégrité physique sont liées à la situation politico-sécuritaire qui a prévalu dans le pays depuis le déclenchement des manifestations contre la candidature du Président Pierre Nkurunziza aux élections présidentielles, en avril 2015 – du fait notamment des affrontements entre les forces de l’ordre et les manifestants –, en passant par la tentative de coup d’Etat du 13 mai 2015 et les autres actes de violence politique qui ont suivi.
Ces événements ont eu des conséquences négatives sérieuses sur les droits de l’homme, avec au moins 381 personnes tuées, entre avril et décembre 2015, plusieurs cas d’enlèvement et de disparition, des cas de torture et d’arrestations arbitraires, ainsi que des déplacements massifs des populations à l’intérieur du pays ou vers les pays voisins. La société civile et les médias ont également été affectés. Sur le plan de l’administration de la justice, les multiples arrestations opérées au cours de ladite période ont provoqué une accumulation des retards dans le traitement des dossiers judiciaires, avec pour conséquence, une augmentation inhabituelle de la population carcérale.
La CNIDH note avec préoccupation les sanctions politiquesprises par certains partenaires du pays, sans égard au droit d’être entendu par un juge indépendant et impartial, ainsi que les mesures de suspension de la coopération avec le Burundi, qui pénalisent la population burundaise.
Aujourd’hui, une relative accalmie est observée depuis le début de l’année 2016. Plus de 72% des personnes arrêtées dans le cadre des manifestations ont été libérées. Deux des 5 radios privées détruites au cours du coup d’état manqué ont été ré-ouvertes, 2 parmi les organisations de la société civile suspendues par mesure d’autorité en novembre 2015 viennent d’être autorisées à reprendre leurs activités et le dialogue inter-burundais a déjà commencé sous la houlette de la Commission Nationale de Dialogue Inter-burundais (CNDI), de la facilitation régionale, ainsi que le soutien de la communauté internationale. La CNIDH se réjouit de tous ces progrès et voudrait encourager les parties prenantes à continuer sur la même lancée.
Toutefois, la CNIDH demeure profondément préoccupée par la continuation des cas d’assassinats ciblés et des attaques à la grenade enregistrés surtout en Mairie de Bujumbura, avec au moins trois officiers militaires de la Force de Défense Nationale tués et plusieurs personnes blessées par les explosions de grenade au cours des quatre dernières semaines. D’autres formes d’attaques sporadiques continuent à faire la une des journaux ici et là dans le pays.
Dans le but de faire cesser, répondre et prévenir les violations des droits de l’homme, des mesures adéquates doivent être prises et des comportements favorables à la paix adoptés par tous les concernés, en particulier les protagonistes politiques burundais.
Le Gouvernement doit prendre des mesures adéquates visant à encadrer la jeunesse, ainsi qu’à prévenir et réprimer le recrutement dans des activités de belligérance.
La CNIDH réaffirme son soutien au droit à l’information, à la liberté de la presse, à la liberté d’expression et de réunion pacifique. La CNIDH est en train de mener un plaidoyer dans ce sens, et à encourager des mesures et des comportements favorables au rétablissement de la confiance mutuelle entre le Gouvernement, d’une part, et les organisations de la société civile et les médias, d’autre part. Nous recommandons au Gouvernement de poursuivre la réouverture progressive des médias privés fermés et de revoir les mesures de restriction des activités de la société civile, le tout sans préjudice des responsabilités individuelles ou corporatives devant la justice.
Le Gouvernement doit en outre doter le Ministère de la Justice de moyens suffisants, et poursuivre résolument le dialogue politique et le désarmement des civils.
Le Ministère de la Justice, en particulier, doit prendre des mesures de désengorgement des prisons et d’accélération des procès en cours, et poursuivre les enquêtes sur les évènements violents de 2015 et après.
Les partis et organisations politiques doivent poursuivre leurs revendications politiques par des moyens pacifiques et inculquer au sein de leurs militants, surtout les jeunes, l’esprit de tolérance mutuelle, de cohabitation pacifique, de respect de la vie et de la dignité humaine, ainsi que le sens du civisme.
Les organisations de la société civile doivent exercer leurs activités dans le respect de la loi et de leurs statuts respectifs, tout en restant politiquement neutres et indépendants. Elles doivent s’abstenir de faire des déclarations incendiaires ou de mobiliser pour la violence.
Dans l’objectif de soutenir la paix, la stabilité et le respect des droits de l’homme, la communauté internationale doit donner un message clair à toute personne ou à tout groupe, de l’opposition comme du pouvoir, qui s’implique à perturber la sécurité et à porter atteinte à la vie des personnes, de cesser ces agissements. Elle doit leur signifier que chacun sera tenu personnellement responsable de ses actes. La CNIDH demande en outre à la communauté internationale de revoir les sanctions politiques et les mesures de suspension de la coopération, d’encourager l’arrêt de la violence et la poursuite du dialogue politique, ainsi que de poursuivre les efforts de facilitation déjà engagés.
Merci Madame la Présidente.
Publiée le 08/11/2019 à 12h11min Partager